Les producteurs néerlandais s'interrogent sur leur modèle actuel
La recherche perpétuelle d'« hypercompétitivité » de l'horticulture néerlandaise semble aujourd'hui toucher ses limites, comme le montrent les statistiques. Témoignage d'acteurs du secteur qui veulent encore croire à l'avenir de leur métier...
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Première économie horticole européenne, l'horticulture néerlandaise s'est construite sur un modèle de compétitivité de type industriel basé sur le triptyque économies d'échelle, automatisation et consolidation commerciale. Soutenue par son indéfectible foi dans les vertus de la technologie et de la croissance et la force de son commerce, la machine à produire néerlandaise a conquis une place dominante sur la plupart des marchés européens qui met à mal de nombreuses productions nationales. Toutefois, dans un contexte de marché déprimé, ce modèle montre, lui aussi, des signes de faiblesse.
La production sous pression mais combative
Si la filière des fleurs coupées est en difficulté depuis de nombreuses années, sous la pression des importations d'Afrique de l'Est, les producteurs de plantes en pot et de pépinière s'en sortaient mieux. L'ensemble du secteur a commencé à rencontrer des difficultés en 2009. Même avec un léger mieux en 2012, la situation reste tendue. La morosité de la plupart des marchés d'Europe de l'Ouest pèse sur les prix, alors que les coûts du capital (foncier et investissements), de la main-d'oeuvre et de l'énergie ne cessent de croître. Selon les chiffres du LEI (1) et de la Rabobank (2), la majorité des producteurs dépassent à peine leur seuil de rentabilité et 44 % des établissements seraient dans le rouge. En 2012, 200 établissements de culture ornementale sous serre ont fermé leurs portes. Depuis 2010, le nombre de producteurs de plantes en pot et à massif a chuté de 17 % et celui de fleurs coupées de 23 %. En termes de surfaces, les plantes en pot sont en repli depuis 2010 (- 5,8 % en deux ans), alors que les plantes à massif et la pépinière affichent une légère hausse en 2012 et que les bulbes sont stables.
Jorrit Dekkens, expert sectoriel de la Rabobank, s'attend à une poursuite des disparitions d'entreprises de 6 à 7 % par an jusqu'en 2015, mais considère que le secteur garde de bonnes perspectives à moyen terme. Les chiffres sur la valeur à la production semblent lui donner raison : malgré la disparition d'un certain nombre d'entreprises et le tassement des surfaces, la valeur de la production ornementale néerlandaise n'a cessé de progresser depuis douze ans, à l'exception des années 2009 et 2011. En raison des progrès constants en productivité, il n'y a pas d'effondrement de la production néerlandaise. « Nous poursuivons notre appui aux entreprises en étant cependant plus attentifs aux facteurs de risque, comme le coût du foncier, qui a plus que doublé en sept ou huit ans, et celui des équipements. Nous les suivons toujours en matière de financements de campagne, mais demandons un autofinancement plus important (25 à 30 %) pour les investissements. Nous sommes aussi plus présents auprès des entreprises fragiles. Nous pouvons les conseiller, voire encourager les alliances, mais nous laissons l'entrepreneur faire ses choix. La banque se retire seulement si le dirigeant ne propose pas de solution viable », souligne Jorrit Dekkens.
La quatrième reconversion pour s'adapter
Dans ce contexte, nous avons rencontré des producteurs plutôt confiants dans leur capacité à relever le défi, grâce à un usage plus efficace des ressources, le resserrement de l'organisation, des investissements plus ciblés de développement ou de diversification, et enfin un renforcement de l'action commerciale. C'est le cas de Peter Van der Plas, producteur de plants à massif et en pot à Gravenzande, près de La Haye. Il fait partie du « top 5 » des producteurs de plantes à massif aux Pays-Bas. L'établissement en est à sa quatrième reconversion : depuis sa création en 1923, elle a produit des légumes, du raisin et des fleurs coupées. Aujourd'hui, c'est vers la production de jeunes plants que se tourne Peter Van der Plas : « Comme tout entrepreneur, je recherche une rentabilité qui rémunère mon travail et les capitaux investis ! Nous produisons à présent toute la gamme de plantes à massif, qui représentent 60 % de notre chiffre d'affaires, mais aussi des plantes en pot comme les Schlumbergera, les hortensias et les chrysanthèmes pour lisser notre chiffre d'affaires sur l'ensemble de l'année. Nous maîtrisions déjà notre propre multiplication, d'où l'idée de développer une gamme de jeunes plants. L'étincelle est venue lors de l'annonce de la reprise de Combination par Florensis. Il y avait une opportunité à ne pas manquer pour tous les producteurs qui ne veulent pas dépendre d'un seul fournisseur de jeunes plants. Nous sommes moins chers grâce à des coûts de structure de 10 à 30 % plus bas que de grosses structures. » Cette nouvelle production n'est pas destinée uniquement au marché néerlandais : « Nous exportons vers la Scandinavie et la Russie et avons l'ambition de nous développer dans d'autres pays », poursuit-il.
Plantes à massif : un marché de volumes
Pour les autres produits, l'entreprise vend 90 % de ses plantes à massif et 60 % de ses plantes fleuries en direct, avec la garantie financière de FloraHolland. « Je fais partie de ceux qui pensent que nous avons besoin d'une centralisation de la mise en marché », reprend Peter Van der Plas. « Le cadran permet de fixer le prix de marché, en particulier pour les plantes, qui fluctuent quotidiennement, alors que les opérations plantes à massif sont programmées longtemps à l'avance. FloraHolland développe des actions marketing pour maintenir sa position, mais les concepts ne sont pas toujours repris, en particulier en grande distribution. Soutenir le marché par la promotion est une responsabilité conjointe du producteur et des exportateurs. »
Quant à sa vision de l'avenir, il pense que le marché des plantes à massif est un marché de volumes, principalement orienté vers les enseignes de supermarchés et de bricolage, où l'Allemagne a une place prépondérante. « Il faut se battre avec des partenaires qui sont très puissants et imposent leurs conditions. Pour répondre aux besoins croissants et maintenir leurs marges, de nombreux collègues ont choisi d'augmenter les volumes et de créer de nouvelles unités de production modernes dans des régions des Pays-Bas où le foncier est dix fois moins cher que dans le Westland. Ceux-là peuvent être compétitifs. Pour les autres, ainsi que les producteurs de fleurs coupées, la période est difficile. Le nombre de producteurs va encore baisser. Je ne vois pas de reconversion majeure des fleurs vers les plantes à massif ou des plantes à massif vers les légumes, car chaque secteur a ses problèmes. »
Quant aux exportations, Peter Van der Plas estime que « l'Allemagne restera notre premier marché, en raison de sa proximité et de la structuration de sa distribution. Il y a d'autres défis émergeant chez les pays producteurs, notamment le retour en grâce du “produit localement”. Cependant, il reste toujours des opportunités à explorer : produire ce qui se vend, offrir des produits ou services différents, optimiser ses coûts, explorer de nouveaux marchés. L'année dernière, nous avons expédié des lots de pensées et de pétunias jusqu'en Russie, et même en Irak ! Il faut être curieux pour trouver ces opportunités et se battre pour réussir, car le contexte est plus difficile qu'auparavant. »
Marie-Françoise Petitjean
(1) Landbouw Economisch Instituut : institut de recherche socio-économique en agriculture qui dépend de l'université de Wageningen. (2) Banque agricole néerlandaise.
AdaptationL'entreprise de Peter Van der Plas en est à sa quatrième reconversion. Elle produit désormais toute la gamme de plantes à massif et s'est orientée vers le jeune plant. PHOTO : FOTOSTUDIO GJ VLEKKE/FOTOVAK BV
TechnologieLes Néerlandais ont toujours eu une indéfectible foi dans les vertus de la technologie. Mais dans un marché déprimé, ce modèle montre aujourd'hui des signes de faiblesse. PHOTO : ODILE MAILLARD
DisparitionsSelon Jorrit Dekkens, expert sectoriel de la Rabobank, les disparitions d'entreprises horticoles devraient se poursuivre sur le rythme de 6 à 7 % par an jusqu'en 2015. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
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